Jean Dieudonné (1 juillet 1906 [Lille] - 29 Novembre 1992 [Paris] )
Jean Dieudonné est un mathématicien français né le 01/07/1906 à Lille, Son père Ernest est soutien de famille à 12 ans. Intelligent et tenace, il s'éleva de petit employé à Directeur Général d'un important groupe d'industries textiles. Sa mère, Léontine Lebrun, est institutrice jusqu'à la naissance de son fils.
Jean Dieudonné sait déjà lire avant son entrée à l'école primaire, premier signe d'une scolarité brillante. Évacué à Paris par les Allemands qui occupent Lille, il entre au lycée Condorcet, obtenant dès la classe de 6ème le premier prix en calcul. En 1919-1920, son père l'envoie sur l'île de Wight apprendre l'anglais. C'est là que Dieudonné étudie pour la première fois l'algèbre, et, selon ses dires, trouve sa vocation de mathématicien. Il retourne alors à Lille étudier au lycée Faidherbe, gagne le premier prix du concours 1922 de la Société de Géographie de Lille, puis le 1er prix du Concours Général de Mathématiques en 1923. En 1924, il est reçu à É Polytechnique et à l'École Normale Supérieure, et opte pour cette dernière. Il y côtoiera J. Delsarte, A. Weil, H. Cartan, J.P Sartre et R. Aron. En 1927, c'est à l'Agrégation de mathématiques que Dieudonné s'attaque. Une fois encore, il est reçu 1er. De 1927 à 1928, il effectue son service militaire. Puis vient le temps des premières recherches, à Princeton, à l'ENS, à Berlin. Il soutient en 1931 sa thèse, intitulée Recherche sur quelques problèmes relatifs aux polynômes et aux fonctions bornées.
C'est à l'automne 1934 que se produisent les deux événements peut-être les plus marquants de sa vie. C'est d'abord la rencontre de sa femme, Odette Clavel, qu'il épousera le 22 juillet 1935. Ce fut un amour sans faille, "56 ans de bonheur" dira-t-il à la fin de sa vie, qui donna naissance à un fils et à une fille. L'automne 1934, ce fut aussi la création du groupe Bourbaki, avec notamment H. Cartan, A. Weil, ... Selon Dieudonné : " Notre dessein était d'écrire collectivement un grand traité moderne d'analyse, dans lequel chaque chapitre aurait constitué un volume à part entière". Dieudonné fut le plus actif des bourbakistes, le dernier à relire les manuscrits, l'auteur de presque toutes les notes historiques.
En 1937, il est nommé Maître de conférence à Nancy, puis pendant la guerre (il est mobilisé en Septembre 1939), il enseigne à Clermont-Ferrand. En 1944, il reçoit le grand prix de l'Académie des sciences de Paris. De 1952 à 1959, il est professeur aux États-Unis, de 1959 à 1964, à l'IHES de Bures-sur-Yvette. Puis à partir de 1964, il réalise un rêve de jeunesse en devenant professeur, puis doyen de la faculté des sciences de Nice. En 1968, il est élu membre de l'Académie des sciences.
Vers la fin de sa vie, sa santé s'affaiblit, la communauté mathématique s'émeut de ne plus le voir à l'Académie. En revanche, il lit beaucoup, plusieurs livres par jour. C'est l'après-midi du dimanche 29 novembre 1992 que Dieudonné a senti une extrême fatigue, et a dit adieu à sa femme et à ses enfants avec qui il déjeunait.
Ses amis disent volontiers que Dieudonné était chaleureux et enthousiaste, mais aussi explosif, et capable des colères les plus tonitruantes comme en témoigne cette anecdote de Laurent Schwarz, narrée lors d'une conférence à l'ENS : "Dieudonné était également connu pour ses démissions : quand un sujet lui déplaisait, il démissionnait de Bourbaki. Certains sujets provoquaient plus particulièrement sa démission, notamment celui de savoir s'il fallait mettre l'intégration avant les espaces vectoriels topologiques ou après. Il faut la mettre après, mais certains prenaient plaisir à le taquiner. Chaque fois que quelqu'un soutenait qu'il fallait la mettre avant, Dieudonné démissionnait. C'était pourtant le meilleur caractère du monde. Il était toujours tellement souriant et enthousiaste que cela ne portait pas à conséquence. Un jour, Sonia Godement, la femme de Godement, a souhaité assister à une démission. On prit rendez-vous pour le lendemain à 10H du matin : à 10H moins trois, Godement a dit qu'il fallait mettre l'intégration avant les espaces vectoriels. Sonia est entré et a vu Dieudonné, en fureur, donner sa démission"
Dieudonné avait une force de caractère et une puissance de travail phénoménales. Outre ses activités d'enseignement, de recherche, ses travaux pour Bourbaki, il jouait chaque jour 2H au piano, était bon joueur de bridge et excellent cuisinier.
Dieudonné est peut-être le dernier mathématicien à avoir pu explorer autant de domaines mathématiques. Ses recherches portent notamment sur :
- En topologie :
- partition de l'unité (découverte commune mais indépendante, avec Bochner, 1937)
- Espace paracompact (1944) ainsi que le fait que tout espace métrisable séparable est paracompact.
- Topologie faible dans la dualité des espaces vectoriels localement convexes.
- Théorie des distributions, et leur cadre naturel dans les espaces de Fréchet
- En algèbre :
- Travaux sur la théorie de Galois des anneaux artiniens (ce dernier nom lui est dû)
- Théorie des groupes classiques sur un corps quelconque
- Groupes de Lie. Il est aussi le maître d'Alexandre Grothendieck, l'inventeur de la K-théorie.
Mais bien sûr, Dieudonné est associé à l'oeuvre de Nicolas Bourbaki, et ses idées et la façon d'exposer la mathématique (au singulier, pour souligner son unité) ont marqué durablement le XXème siècle. Enfin Dieudonné a donné ses lettres de noblesse à l'histoire des Mathématiques. On lui doit les remarquables : Histoire de l'Analyse Fonctionnelle, Histoire de la topologie algébrique et différentielle.
Sources : Jean Dieudonné, Mathématicien complet, Pierre Dugac, Editions Jacques Gabay et Pour l'honneur de l'esprit humain, Jean Dieudonné