Yves Meyer (19 juillet 1939 [Paris] - )
Yves Meyer est un mathématicien français ayant eu des contributions très importantes à la fois en mathématiques fondamentales et en mathématiques (très) appliquées. Il est né le 19 juillet 1939 à Paris et quitte la France en 1944 lorsque sa famille s'installe en Tunisie. Il est un élève particulièrement brillant du lycée Carnot de Tunis (premier prix au concours général à la fois en mathématiques et en grec !). Il entre à 18 ans, après une seule année de classes préparatoires, à l'École Normale Supérieure, où il est reçu premier au concours. En 1960, il obtient l'agrégation de mathématiques (avec le deuxième rang) et il enseigne alors trois ans au Prytanée national militaire de La Flèche (de 1960 à 1963). Il y commence à préparer une thèse portant sur l'analyse harmonique sous la direction de Jean-Pierre Kahane. Il poursuit cette thèse alors qu'il est assistant à l'Université de Strasbourg de 1963 à 1966, et il la soutient en 1966. Il enseigne ensuite successivement à l'Université de Paris-Sud (Orsay) de 1966 à 1980, à l'École Polytechnique (de 1980 à 1985), à l'Université Paris-Dauphine (de 1985 à 1995) et enfin à l'École Normale Supérieure de Cachan de 1999 à sa retraite en 2003, après un bref passage comme directeur de recherche au CNRS de 1995 à 1999.
Les travaux mathématiques de Meyer se caractérisent par leur éclectisme. Comme déjà mentionné plus haut, il commence par étudier l'analyse harmonique et très vite il s'intéresse à son lien avec la théorie des nombres. Ceci l'amène à proposer les premiers exemples de quasi-cristaux (des pavages de l'espace par des objets réguliers mais pour lesquels les pavages périodiques sont impossibles). Ces travaux auront des conséquences étonnantes en chimie ! En 1974, il se tourne vers l'étude des intégrales singulières qui jouent un rôle fondamental dans l'étude des équations aux dérivées partielles. Il étudiera sous un autre angle ces dernières, notamment l'équation de Navier-Stokes, dans les années 1990, mettant à profit des méthodes d'analyse harmonique pour résoudre des problèmes très pointus.
C'est cependant pour la théorie des ondelettes, dont il est le principal instigateur sur le plan mathématique au coeur des années 1980, qu'Yves Meyer est le plus connu et reconnu. La théorie des ondelettes nait réellement en 1984, quand Meyer a connaissance des travaux entrepris par le géophysicien Jean Morlet et le physicien Alex Grossman. Ces derniers s'intéressent à l'étude des signaux obtenus en sismique par réflexion : une vibration est émise vers l'intérieur de la terre et est réfléchie par les différentes couches du sous-sol ; on cherche à reconstituer la nature du sous-sol à partir de l'étude du signal reçu. Morlet et Grossman proposent de décomposer tout signal en composantes élémentaires simples, ayant toutes la "même forme". Meyer, lorsqu'il a connaissance de ces travaux, les relie à des résultats du mathématicien argentin Alberto Calderon, et développe une théorie unifiée des ondelettes. Dans cette vraie aventure mathématique des années 1980, dans laquelle sont aussi impliqués Coifman, Daubechies, ou Mallat, Meyer s'intéresse à la fois aux aspects théoriques (construction de bases d'ondelettes) et aussi aux aspects pratiques (réalisation d'algorithmes les utilisant). Les ondelettes sont devenues désormais un outil fondamental du traitement du signal et des images (par exemple, la norme de compression JPEG 2000 est basée sur les ondelettes). Les travaux de Meyer ont été aussi à la base de la détection en 2016 des ondes gravitationnelles émises par la collision de deux trous noirs.
Yves Meyer a reçu de nombreuses distinctions durant toute sa vie. La plus prestigieuse est sans conteste le prix Abel, décerné en 2017, "pour son rôle majeur dans le développement de la théorie des ondelettes". Auparavant, il avait déjà reçu le prix Salem en 1970, le prix Gauss en 2010 et le Grand Prix de l'Académie des sciences en 1984. Il est membre de l'Académie des sciences, et membre étranger de l'Académie américaine des arts et des sciences. Une autre spécificité de sa carrière est le nombre de thèses qu'il a supervisées (plus de cinquante), témoignant de son goût pour la transmission. Beaucoup de ses anciens doctorants sont devenus des mathématiciens de premier plan. Sur un plan personnel, il est marié et père de deux enfants, dont l'un, professeur aux États-Unis, travaille à l'interface entre mathématiques et informatique.