Le paradoxe de Cramer
Le paradoxe de Cramer est un paradoxe concernant les courbes algébriques. Rappelons qu'une courbe algébrique de degré $n$ est une courbe admettant pour équation $$a_{0,0}+a_{1,0}x+a_{0,1}y+a_{2,0}x^2+a_{1,1}xy+a_{0,2}y^2+\dots+a_{n,0}x^n+\dots+a_{0,n}y^n=0,$$ soit encore $$\sum_{i+j\leq n}a_{i,j}x^i y^j=0.$$ Au cours du XVIIIè siècle, deux théorèmes importants ont été démontré sur ces courbes algébriques :
- le théorème de MacLaurin (reprenant un énoncé de Bézout), qui dit que, sous certaines conditions, deux courbes algébriques de degré $n$ se coupent en $n^2$ points;
- le théorème de Cramer, qui dit que, sous certaines conditions, une unique courbe algébrique de degré $n$ passe par $\frac{n(n+3)}2$ points donnés du plan.
Prenons $n=3$. Alors 9 points du plan déterminent en général une unique courbe de degré 3 (une cubique), mais deux cubiques se coupent en $3^2=9$ points! Cela semble contradictoire! Le paradoxe est encore plus fort pour $n=4$. En général, 14 points du plan déterminent une unique quadrique (courbe de degré 4), mais deux quadriques se coupent en $4^2=16$ points!
Ce paradoxe, énoncé par Cramer vers 1750, fut résolu par Julius Plücker près d'un siècle plus tard. Tout repose sur le "en général". Si on étudie les cubiques, alors si on se donne 8 points par lesquels vont passer deux cubiques, on connait nécessairement le 9ème point d'intersection de ces deux cubiques. Ainsi, les points d'intersection de deux cubiques ne sont pas indépendants les uns des autres. Dès que l'on en connait 8, on connait nécessairement le 9ème. Et donc ceci ne contredit pas le théorème de Cramer où on choisit des points "en position générale". Pour avoir une formulation plus précise de la résolution du paradoxe, il faut raisonner en terme de rang de systèmes linéaires.