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#1 22-05-2018 18:48:37

tibo
Membre expert
Inscription : 23-01-2008
Messages : 1 097

Refonder le contrat social avec les agents publics

Salut,

Sujet un peu polémique aujourd'hui, et sans lien direct avec les mathématiques.
Mais ça concerne aussi l'enseignement, donc il y a un petit lien.
Je comprendrais néanmoins si mon post est supprimé.

Je faisais des recherches sur les raisons de la grève d'aujourd'hui.
J'ai toujours quelques doutes sur l'utilité des grèves ponctuelles ; et quand je lis des informations provenant de syndicats, je reste très sceptique sur les données avancées.

Mais je suis tombé sur ça : Refonder-le-contrat-social avec les agents publics .
En particulier le passage suivant :

En termes de méthode, quatre chantiers majeurs seront donc successivement ouverts à partir d’avril,
avec deux points d’étapes prévus fin juillet pour les deux premiers chantiers et fin octobre pour les
deux derniers chantiers.
1. Une simplification du dialogue social ;
2. Un élargissement du recours au contrat ;
3. Une rémunération plus individualisée, intégrant une part de mérite;
4. Un accompagnement renforcé en matière d’évolution de carrière, soit au sein de la
fonction publique soit vers le privé dans le cadre notamment de plans de départs
volontaires.


Je vais tenter de donner mon point de vue avec mon prisme d'enseignant.

Bon ça commence bien, je ne comprend pas le titre.
Bon un petit tour sur wikipédia m'a appris ce qu'était le contrat social. Voyons comment notre gouvernement compte le refonder.

1) Une simplification du dialogue social.
Bon, la aussi je ne suis pas sûr de comprendre. Mais j'ai imaginé la scénette suivante :
"
- Ministre : Bonjour, vous êtes viré.
- Fonctionnaire : Mais vous ne pouvez pas, je suis fonctionnaire !
- Ministre : Maintenant si. Grâce à la refonte du contrat social, nous avons simplifié le dialogue social. En clair, merci et au revoir.
"
Mais ce n'est que mon imagination ; je suis sûr que ce n'est pas du tout ça qu'ils entendent par simplification du dialogue social.

2) Un élargissement du recours au contrat.
C'est quelque chose qui existe déjà dans l'enseignement public (peut-être ailleurs aussi, je ne sais pas). Il y a de plus en plus de prof contractuels. Il s'agit donc de continuer sur cette voie...
Je ne saurais pas argumenter proprement pourquoi je suis contre, mais ça me donne l'image du "prof jetable", qu'on embauche, vire ou déplace à volonté.
En dehors de l'aspect éthique plus que discutable, je ne vois pas comment construire des projets pédagogiques durables dans ces conditions.
Mais je comprend qu'il existe des arguments économiques...

3) Une rémunération plus individualisée, intégrant une part de mérite.
Là on attaque un point qui me révulse.
Payer au mérite !
En fonction de la moyenne des classes d'un prof, de la réussite au brevet ou bac de ses élèves ! ou de leur progression ? !!
Quelque soit le calcul utilisé, je trouve ça dégueulasse.

4) Un accompagnement renforcé en matière d’évolution de carrière, soit au sein de la fonction publique soit vers le privé dans le cadre notamment de plans de départs
volontaires.
Là c'est un peu comme le point 2). Je suis contre la privatisation du services public. Mais c'est clairement la direction prise par les différents gouvernements successifs depuis plusieurs décennies.
J'estime qu'il faut se battre contre ça. Mais la stratégie de nos dirigeants est redoutablement efficace.



Bref, avec de tels objectifs aussi clairement affichés, je vois un avenir bien sombre pour l'enseignement.
Je m'attend à ce que ce métier que j'adore change radicalement dans les années à venir, mais si ça peut changer dans la bonne direction je préfèrerais.


A quoi sert une hyperbole?
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#2 22-05-2018 19:43:39

yoshi
Modo Ferox
Inscription : 20-11-2005
Messages : 16 907

Re : Refonder le contrat social avec les agents publics

Salut,

Il y a encore les vacataires (enfin, je crois  que ce "statut" n'est pas supprimé) : nous en avions eu un en Maths dans mon bahut...
Il a eu la chance (et ses élèves aussi) que l'équipe Maths était soudée et disposée à l'aider bénévolement... Il avait fait ses 200 heures puis "miraculeusement" prolongé...
Parce que d'autres n'ont pas eu cette chance même si les parents quand il s'agit de Maths sont particulièrement sensibles...
Donc une de nos collègues (de Français) nous avait signalé que son fils avait eu 3 "profs" de Maths durant l'année précédente, tous vacataires et non formés...
Chacun avec des exigences matérielles différentes, chacun avec sa conception des mathématiques.
Moi, je vois encore autre chose :
1. Tu trouves les nouveaux programmes (de Maths) farfelus, tu te demandes pourquoi ils ont supprimé telle ou telle partie ? T'as le droit de râler (bon, ça ne changera rien : c'est "non négociable" comme on dit maintenant !) Qu'est-ce qu'on avait pu râler il y a un temps certain quand d'une année sur l'autre, on avait supprimé en 5e les calculs de PPCM et PGCD via la décomposition en produits de facteurs premiers...
On s'était tous regardés en disant : M... ! Et les calculs de dénominateurs communs avec les fractions ?... On va être obligés de bricoler !...
Que nenni, c'était prévu : on n'utilise plus que des fractions qui s'arrangent bien avec que  des nombres "présentables" (sic)... de façon à ne pas exiger de "virtuosité technique" (re-sic).

2. Tu n'étais pas soumis à l'autorité de ton chef d'établissement. Mais, sera-ce le cas pour un "contractuel" ? C'est marrant, il me semble qu'à mes débuts, on les aurait appelés "Maîtres Auxiliaires". Et eux, ils avaient intérêt à ne pas faire trop de vagues... Alors, et les... contractuels ?

3. Quels buts va-t-on assigner aux programmes de Maths ? Déjà que la France est mal classée au classement PISA ? Villani aura-il quand même une influence ? A la base, les Kleenex de service seront-ils motivés pour être méritants ? Dans ce même sous-forum, il y a qq temps des profs de maths sont venus crier leur désarroi face à ce qui semble se préparer au niveau horaire et programmes...
A titre indicatif : dans ma Term Mathématiques Elémentaires (oui, ça date), j'avais 9 h de maths et 5 h 30 de Physique-Chimie par semaine...
Y avait de quoi faire !
Un livre de Trigo, un livre d'Arithmétique, un livre de Cinématique, un livre d'Algèbre, un livre de Géométrie et sans les zoulies couleurs de maintenant...
Qu'est-ce qui reste en horaire aujourd'hui ? en quantité de travail ? ET demain ?

C'est possible (probable même) que j'en remette une couche plus tard...

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#3 22-05-2018 20:54:26

Fred
Administrateur
Inscription : 26-09-2005
Messages : 7 033

Re : Refonder le contrat social avec les agents publics

Hello,

  Je ne vais pas trop parler car il y aurait beaucoup à dire. On voit la plupart des choses sous un prisme économique à court terme. Par exemple, dans mon université, on nous demande de réaliser la quadrature du cercle :
1. Diminuer la masse salariale de 2% d'ici 2020.
2. Accueillir plus d'étudiants (et oui le baby boom de l'an 2000 arrive à partir de l'an prochain!).

Pour diminuer la masse salariale, notre seule solution, c'est de ne pas renouveler les postes des gens qui partent à la retraite ou qui sont promus ailleurs. Oui, mais comme nous avons une charge de travail fixe ou même en augmentation, cela signifie mécaniquement plus d'heures supplémentaires, et donc moins d'économies sur la masse salariale...à moins que on augmente la taille des groupes de TDs, des amphis pour faire moins de groupes avec plus d'étudiants (stratégie qui a vite ses limites, nos salles ne sont pas extensibles!), ou que l'on diminue le nombre d'heures faites devant les étudiants. Voila comme nous sommes passés de licence (en trois ans) autour de 1700h à des licences autour de 1500h aujourd'hui, et peut-être 1300h demain...

On nous demande d'être innovant, que grâce aux classes inversées, aux MOOC, cela n'aura pas d'incidence sur la qualité de notre enseignement. Pour moi, ce sont des discours peut-être applicables aux sciences humaines, mais pas aux sciences dures où on a besoin de temps! Que feront nous face aux ribambelles de scientifiques aux connaissances techniques bien meilleures que les nôtres que l'on forme en Asie du Sud-Est?

F.

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#4 23-05-2018 11:42:47

yoshi
Modo Ferox
Inscription : 20-11-2005
Messages : 16 907

Re : Refonder le contrat social avec les agents publics

Re,

C'est encore, sous-jacent, le bon vieux problème de la "rentabilité" à court terme...
A quoi aura servi d'avoir diminué la masse salariale de 2%, si c'est au détriment que la qualité de la formation dégradée par suite de mauvaises contions matérielles, si on rogne 1 h par ci par là, selon les chapitres ?
Nous aurons "gagné" à avoir moins de scientifiques de qualité (outre le fait que les meilleurs iront chercher de meilleurs salaires ailleurs...
Et on aboutira à demander d'autres efforts financiers. Belle réussite...
Ne voient-elles donc pas ça nos têtes pensantes ? Il n'est pourtant pas nécessaire d'être un matheux accompli !

On nous demande d'être innovants dis-tu...
J'ai connu ça à mon modeste niveau : nous avons joué le jeu puis j'ai pu constater que probablement en haut lieu, nous avions fait la preuve -apparente- que nous pouvions travaille (presque) aussi bien avec moins d'heures...
Conséquence qui s'ensuivait : hop un petit coup de rabot sur les heures ou sur les paiements...
Et même je me souviens d'une année, où 1 h de concertation était payée, par ex aux profs de Maths : j'avais apprécié cette heure hebdomadaire où nous réfléchissions et établissions une trame commune pour le trimestre, passions en revue les exercices passés pour débattre du bien-fondé de leur choix, de leur rédaction mais aussi à venir, une progression commune en vue d'un devoir commun par trimestre...
L'année suivante, le chef d'établissement avait, dans son Emploi du Temps, dégagé une heure commune pour la concertation... non payée.
J'ai aussi vécu en 6e, 4h+1 h de soutien/approfondissement, qui sont devenues 3 h + 1,
ou
1 h de SOS par jour dans chaque matière de 13 h à 14 h, où les élèves  se rendaient librement quel que soit le prof présent...
Où est-elle maintenant ?

Tout ça pour le bien de l'élève ? Vraiment ??

La rentabilité du système éducatif est à juger à long terme, une génération au moins...
Et si on se rate, le temps de rattraper l'erreur, il y en a pour... une génération !

Mais la "logique" de l'engrenage voudrait qu'on commence en vertu de l'autonomie des Universités, on les mette en concurrence pour valoriser les mérites de leurs enseignants. Je suis persuadé qu'on y va tout droit  avec les dérives inévitables, par ex, de "meilleurs" résultats entraîneraient plus de moyens...
J'ai retrouvé le cri d'alerte dont j'ai parlé dans mon post précédent, voilà le lien déposé par Laurent115 :
https://www.facebook.com/MATHS.REFORMEduLYCEE.2019/

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#5 23-05-2018 16:24:29

tibo
Membre expert
Inscription : 23-01-2008
Messages : 1 097

Re : Refonder le contrat social avec les agents publics

Re,

Ma première année d'enseignement, j'étais contractuel, je suis arrivé en janvier... et j'étais le 6ième prof de l'année !

Que les programmes se simplifient sont une conséquence directe de la diminution d'heure.
Et à la limite, cette simplification n'est pas le plus grave. Ce n'est qu'un symptôme, d'un problème plus général.


Je pense que l'objectif final est une privatisation complète du service public.
Et mettons nous à la place d'un entrepreneur quelques secondes ; le service publique ne rapporte rien !
Alors qu'une entreprise privée d'enseignement, ça rapporterait un max !
Il suffit de regarder les autres services qui ont disparu (eau, électricité, autoroute, la sncf c'est en court,...).
La méthode est toujours la même ; on diminue les fonds, fatalement ça devient la merde, pis on privatise.
Et c'est redoutablement efficace.

Bref je m'égare...


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#6 23-05-2018 17:12:59

yoshi
Modo Ferox
Inscription : 20-11-2005
Messages : 16 907

Re : Refonder le contrat social avec les agents publics

Re,

Je n'ai plus la référence, dommage...
Là, on est dans la politique, et je me garde d'attaquer un côté plutôt que l'autres
Il y a quelques années (sûrement une quinzaine) un Think Thank (c'est maintenant une expression à la mode) avait rédigé un rapport confidentiel, mais qui avait fuité, la marche à suivre pour privatiser.
Cela se résumait à :
1. Ne pas le faire brutalement, mais que ce soit le vœu d'une majorité de citoyens,
2. Donc, faire en sorte que le service rendu se dégrade lentement mais surement, provoquant d'abord la grogne de la population concernée
3. Commencer alors à évoquer - en passant - des exemples d'entreprises privées qui fonctionnent bien et gagnent de l'argent...
4. Patienter,
5. Lorsque de la grogne, on passera à : toujours en grève, toujours en vacances, payés à rien foutre, trop payés pour leur travail etc..., là, commencer à dire que vous réfléchissez à la privatisation pour améliorer la situation.
6. L'idée va faire son chemin, et c'est la population qui la demandera...

Vais-je m'égarer aussi si je dis que depuis des années, j'ai l'impression de voir repasser régulièrement le scenario de ce film ?

Que les programmes se simplifient sont une conséquence directe de la diminution d'heure.
Et à la limite, cette simplification n'est pas le plus grave. Ce n'est qu'un symptôme, d'un problème plus général.

Bin si, c'est grave ! Ce n'est pas un symptôme mais une conséquence directe... Et cette conséquence pour ceux qui la vivent toujours, elle est usante...
Je suis rentré dans l'enseignement (comme d'autres entrent dans les ordres) en septembre 1969 : j'ai pris ça comme un sacerdoce...
(Heureusement sinon, je l'aurais quitté au bout d'un an : c'est encore une blessure profonde qui remonte parfois à la surface... J'ai perdu 11 de mes élèves dans une catastrophe - je n'ai pas été le seul - ... dont un 6e qui alors que je disais a - petit a - écrivait sur son cahier : petit tas, sans le moindre état d'âme).
Crois-tu que je n'aie pas vu le métier changer en 38 ans de carrière ?
Pour paraphraser le biologiste Jean Rostand (Le biologiste passe, la grenouille reste !) : les ministres (de l'EN) et les programmes passent, les profs restent...
Et ne n'aime pas ce que je vois : des deux côtés, au-dessus de ma tête et du côté de nos chères "têtes blondes"...

@+


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