$$\newcommand{\mtn}{\mathbb{N}}\newcommand{\mtns}{\mathbb{N}^*}\newcommand{\mtz}{\mathbb{Z}}\newcommand{\mtr}{\mathbb{R}}\newcommand{\mtk}{\mathbb{K}}\newcommand{\mtq}{\mathbb{Q}}\newcommand{\mtc}{\mathbb{C}}\newcommand{\mch}{\mathcal{H}}\newcommand{\mcp}{\mathcal{P}}\newcommand{\mcb}{\mathcal{B}}\newcommand{\mcl}{\mathcal{L}} \newcommand{\mcm}{\mathcal{M}}\newcommand{\mcc}{\mathcal{C}} \newcommand{\mcmn}{\mathcal{M}}\newcommand{\mcmnr}{\mathcal{M}_n(\mtr)} \newcommand{\mcmnk}{\mathcal{M}_n(\mtk)}\newcommand{\mcsn}{\mathcal{S}_n} \newcommand{\mcs}{\mathcal{S}}\newcommand{\mcd}{\mathcal{D}} \newcommand{\mcsns}{\mathcal{S}_n^{++}}\newcommand{\glnk}{GL_n(\mtk)} \newcommand{\mnr}{\mathcal{M}_n(\mtr)}\DeclareMathOperator{\ch}{ch} \DeclareMathOperator{\sh}{sh}\DeclareMathOperator{\th}{th} \DeclareMathOperator{\vect}{vect}\DeclareMathOperator{\card}{card} \DeclareMathOperator{\comat}{comat}\DeclareMathOperator{\imv}{Im} \DeclareMathOperator{\rang}{rg}\DeclareMathOperator{\Fr}{Fr} \DeclareMathOperator{\diam}{diam}\DeclareMathOperator{\supp}{supp} \newcommand{\veps}{\varepsilon}\newcommand{\mcu}{\mathcal{U}} \newcommand{\mcun}{\mcu_n}\newcommand{\dis}{\displaystyle} \newcommand{\croouv}{[\![}\newcommand{\crofer}{]\!]} \newcommand{\rab}{\mathcal{R}(a,b)}\newcommand{\pss}[2]{\langle #1,#2\rangle} $$
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Construction de l'intégrale de Lebesgue

Tribus - Boréliens

Soit $X$ un ensemble. Un ensemble $\mathcal T$ de parties de $X$ est appelée une tribu (on dit encore une $\sigma$-algèbre) si :

  1. $X\in\mathcal T$
  2. $\mathcal T$ est stable par passage au complémentaire.
  3. $\mathcal T$ est stable par union dénombrable.

$(X,\mathcal T)$ s'appelle alors un espace mesurable.

Remarquons au passage que les conditions 2 et 3 entraînent que $\mathcal T$ est stable par intersection dénombrable. Le problème, avec cette définition, est que l'on rencontre "dans la nature" assez peu d'ensembles de parties qui sont des tribus. Pourtant, ce sont ces parties que l'on va savoir "mesurer", c'est-à-dire déterminer la longueur, ou l'aire... Les éléments d'une tribu sont ainsi appelées parties mesurables. Heureusement, il existe un théorème général pour construire des tribus :

Théorème : Soit $F$ une famille quelconque de parties de $X$. Alors il existe une plus petite tribu de $X$ qui contient $F$ (on l'appelle la tribu engendrée par $F$).

Prenons le cas de $\mathbb R$. On souhaite bien sûr mesurer tous les intervalles [a,b] (la mesure de [a,b] étant b-a). On appellera tribu borélienne de $\mathbb R$, qu'on notera $\mathcal B$, la plus petite tribu sur $\mathbb R$ contenant tous les intervalles. On montre sans difficulté que $\mathcal B$ est aussi la tribu engendrée par les ouverts. Les éléments de cette tribu seront appelés les boréliens. Cet exemple de $\mathbb R$ est généralisable à tout espace topologique $X$. On appellera tribu borélienne de $X$ la plus petite tribu contenant tous les ouverts.

Il est difficile de décrire tous les boréliens de $\mathbb R$. En fait, ce qui est vraiment difficile, c'est de construire un ensemble qui n'est pas un borélien. On montre que c'est équivalent à l'axiome du choix.

Fonctions mesurables - Fonctions étagées

Nous considérons $(X_1,\mathcal T_1)$ et $(X_2,\mathcal T_2)$ deux espaces mesurables. Une fonction $f$ de $(X_1,\mathcal T_1)$ dans $(X_2,\mathcal T_2)$ sera dite mesurable si pour tout $A\in\mathcal T_2$, $f^{-1}(A)\in\mathcal T_1$.

Une chose à retenir, qu'on ne lit pas forcément dans la définition, c'est que, dans les cas usuels, la plupart des fonctions sont mesurables. Ainsi, si $\mathcal T_1$ (resp. $\mathcal T_2$) est la tribu des boréliens de $X_1$ (resp. $X_2$), toute fonction continue de $X_1$ dans $X_2$ est mesurable, et il y en a beaucoup d'autres!

Une classe de fonctions mesurables va être particulièrement importante, c'est celle des fonctions étagées, dont l'intégrale sera particulièrement facile à calculer :

Définition : Une fonction mesurable de $(X,\mathcal T)$ dans $[0,+\infty[$ sera dite étagée si elle ne prend qu'un nombre fini de valeurs.

Ainsi, toute fonction mesurable étagée s'écrit $$f=a_1\mathbf 1_{A_1}+\dots+a_n \mathbf 1_{A_n}$$ où :

  • $a_i$ est un réel positif.
  • $A_i$ est une partie mesurable de $(X,\mathcal T)$.
  • $\mathbf 1_A$ est la fonction indicatrice de $A$.

Cette classe des fonctions étagées généralise, dans le cas où $X=\mathbb R$, celles des fonctions en escalier, où on aurait supposé en supplément que chaque $A_i$ est un intervalle de $\mathbb R$. Les fonctions étagées vont être capables d'approcher toutes les fonctions mesurables positives, au sens suivant :

Théorème : Si $f:(X,\mathcal T)\to [0,+\infty]$ est mesurable, il existe une suite $(s_n)$ de fonctions étagées telle que :
  • $0\leq s_1\leq s_2\leq\dots\leq s_n\leq f$;
  • Pour tout $x\in X$, $s_n(x)$ tend vers $f(x)$.
Mesures

Si $(X,\mathcal T)$ est un espace mesurable, une mesure (positive) $m$ sur $X$ est une application de $\mathcal T$ dans $ [0,+\infty]$ telle que $m(\varnothing)=0$ et $$m\left(\bigcup_{i=1}^{+\infty}A_i\right)=\sum_{i=1}^{+\infty}m(A_i)$$ où les $(A_i)$ sont n'importe quelle famille dénombrable d'éléments disjoints de $\mathcal T$ (cette propriété s'appelle la propriété d'additivité dénombrable). $(X,\mathcal T,m)$ devient un espace mesuré (alors que $(X,\mathcal T)$ était mesurable!)

Une mesure est particulièrement importante, c'est la mesure de Lebesgue. Elle est "définie" sur les boréliens de $\mathbb R$ par $m([a,b])=b-a$. Précisément, c'est la seule mesure sur les boréliens de $\mathbb R$, invariante par translation ( $m(a+B)=m(B)$ pour tout borélien), et telle que pour tout segment $m([a,b])=b-a$.

Eléments de construction

Soit $(X,\mathcal T,m)$ un espace mesuré. Le plus simple est de de définir l'intégrale d'une fonction étagée $s=a_1\mathbf 1_{A_1}+\dots+a_n \mathbf 1_{A_n}$, en posant :

Remarquons que dans le cas où $X=\mathbb R$, où $m$ est la mesure de Lebesgue, et où $s$ est une fonction en escalier, cette définition coïncide avec l'intégrale classique (au sens Riemann). Remarquons aussi que cette intégrale peut très bien valoir $+\infty$, si un des $m(A)$ vaut cette valeur. Passons désormais à toutes les fonctions mesurables positives. Soit $f$ une telle fonction. Nous (enfin, Lebesgue!) définissons :

où le sup est pris sur toutes les fonctions étagées $s$ positives, et plus petites que $f$. Remarquons que cela est cohérent avec le théorème d'approximation des fonctions positives par des fonctions étagées.

Il ne reste plus qu'à définir l'intégrale d'une fonction quelconque. Nous posons :

Une fonction $f$ de $L^1(m)$ sera dite intégrable. Soit $f$ dans $L^1(m)$. On décompose $f$ en $f=f^+-f^-$, où $f^+(x)=f(x)$ quand $f(x)>0$, $f^+(x)=0$ sinon, et $f^-(x)=-f(x)$ si $f(x)<0$, $f^{-}(x)=0$ sinon. On pose enfin :

Il n'est pas plus difficile d'intégrer les fonctions à valeurs complexes, en séparant partie réelle et partie imaginaire. On peut alors sans trop de difficultés déduire les théorèmes de convergence classiques : convergence monotone, convergence dominée, lemme de Fatou.

Le mot "tribu" apparait pour la première fois dans les traités de Bourbaki. On sait que les membres du groupe Bourbaki n'étaient pas des férus de théorie de la mesure, ce qui peut expliquer le choix de noms un peu péjoratifs (tribu,clan,...) pour décrire les objets de cette théorie.
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