Cryptographie!

La stéganographie littéraire


  Parfois, quand des messages sont cachés dans des textes, on ne peut plus parler de stéganographie, mais bien de virtuosité littéraire. Lisez-donc le poème suivant que Georges Sand envoya à Alfred de Musset :

Cher ami,

Je suis toute émue de vous dire que j'ai
bien compris l'autre jour que vous aviez
toujours une envie folle de me faire
danser. Je garde le souvenir de votre
baiser et je voudrais bien que ce soit
une preuve que je puisse être aimée
par vous. Je suis prête à montrer mon
affection toute desinteressée et sans cal-
cul, et si vous voulez me voir ainsi
vous dévoiler, sans artifice, mon âme
toute nue, daignez me faire visite,
nous causerons et en amis franchement
je vous prouverai que je suis la femme
sincère, capable de vous offrir l'affection
la plus profonde, comme la plus étroite
amitié, en un mot : la meilleure épouse
dont vous puissiez rêver. Puisque votre
âme est libre, pensez que l'abandon ou je
vis est bien long, bien dur et souvent bien
insupportable. Mon chagrin est trop
gros. Accourrez bien vite et venez me le
faire oublier. A vous je veux me sou-
mettre entièrement.

Votre poupée


Très joli n'est-ce pas? Très correct aussi! Relisez maintenant le même poème, mais en ne lisant qu'une ligne sur deux! Mais voici la réponse que Musset lui envoya :



Quand je mets à vos pieds un éternel hommage,
Voulez-vous qu'un instant je change de visage ?
Vous avez capturé les sentiments d'un coeur
Que pour vous adorer forma le créateur.
Je vous chéris, amour, et ma plume en délire
Couche sur le papier ce que je n'ose dire.
Avec soin de mes vers lisez les premiers mots,
Vous saurez quel remède apporter à mes maux.



Cette fois, il faut lire le premier mot de chaque vers! La réponse finale ne se fit pas attendre !

Cette insigne faveur que votre coeur réclame
Nuit à ma renommée et répugne à mon âme.
  
  De nombreux écrivains ont rivalisé de prouesses semblables. L'un des exercices les plus en vogue fut certainement les acrostiches, des poèmes dont les initiales de chaque vers forment un message. La dernière strophe du Dormeur du val d'Arthur Rimbaud commence par exemple ainsi :

Les parfums ne font pas frissonner sa narine;
Il dort dans le soleil, la main sur la poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
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